Être libre « d’une manière qui me soit propre »

« — Vous n’avez pas le désir d’être libre, Lenina ?
— Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Je le suis, libre. Libre de me payer du bon temps, le meilleur qui soit. “Tout le monde est heureux, à présent !”
Il se mit à rire.
— Oui, “tout le monde est heureux à présent !” Nous commençons à servir cela aux enfants à cinq ans. Mais n’éprouvez-vous pas le désir d’être libre de quelque autre manière, Lenina ? D’une manière qui vous soit propre, par exemple ; pas à la manière de tous les autres. »

Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, Pocket, p. 126.

Lenina pense être libre. Mais cette liberté est en fait un chemin tout tracé. Depuis qu’elle est petite, on lui sert le même discours. Et ce discours, elle ne l’a jamais questionné, elle ne s’est jamais écartée de cette vision de la liberté. Elle ne s’est même certainement jamais demandé si on pouvait être libre d’une autre manière.

Cette liberté, « à la manière de tous les autres », consiste à se « payer du bon temps », parce que le bonheur, c’est ça : « Tout le monde est heureux à présent ! »

Se payer du bon temps… Une expression vague, mais qui résonne clairement pour la plupart des gens. Se payer du bon temps, c’est, pour faire simple, s’adonner aux plaisirs des sens, quels qu’ils soient. Mais être libre de se payer du bon temps, comment le comprendre ? Eh bien, c’est se libérer de toute contrainte, c’est s’affranchir de toute limite dans cette inclination pour les plaisirs des sens.

Et la culture de masse joue un rôle prépondérant dans ce conditionnement. En effet, elle transforme les gens en consommateurs et uniformise la société : c’est cela, se « payer du bon temps (…) à la manière de tous les autres ».

Des Lenina, vous en avez certainement croisé. Il y en a pléthore, et des deux sexes. Ces gens sont bien souvent pétris de bonnes intentions. Ils ne comprennent sincèrement pas comment on peut, dans une société qui le permet absolument, vouloir suivre un chemin différent de celui qui consiste à se payer du bon temps, partout, tout le temps et sans limite. Et puisque, pour eux, ce chemin mène au bonheur, c’est que ces égarés qui choisissent de sortir des sentiers battus sont forcément malheureux, même s’ils en sont inconscients. Certains de ces Lenina vont donc parfois vouloir sauver leurs concitoyens égarés. Et cela va les mener à « commettre un oxymore » : contraindre les inconscients à être libres comme tout le monde, ou, pour reprendre Huxley, « à la manière de tous les autres ». Amener des gens à être libres par la contrainte, curieux, non ? Est-ce même possible ? Au moment même où je contrains mon prochain, ne le privé-je pas, par cet acte, de sa liberté ?

Et d’ailleurs, être libre comme tout le monde, est-ce vraiment être libre ?

« Mais comment atteindre le bonheur, alors ? », me direz-vous.

Selon moi, pour goûter au bonheur ultime, il faut suivre le chemin qui mène à la connaissance de Dieu et de la véritable nature des choses. Sur ce chemin, on ne reste pas, passivement, sur le bas-côté ; bien au contraire, on le parcourt. Et seules la connaissance et la vertu peuvent nous y faire avancer. La connaissance doit mener à la vertu, qui, à son tour, ouvre la porte à plus de connaissance. C’est un cercle vertueux.

Et lorsque, essoufflés, nous pointons le regard vers l’horizon, nous pouvons voir un homme. Cet homme, c’est notre guide, celui que l’on suit pour être sûr de toujours être sur la bonne voie. Parce que sans lui, nous serions perdus.

Sa connaissance lui venait de Dieu lui-même, et il n’a pas rechigné à nous la communiquer. Loin de là ! Tout ce qui lui a été révélé, il nous l’a transmis. Elle n’est pas cachée. Le Coran et la Sunna, sources intarissables de connaissance, sont libres d’accès, pour qui veut s’en abreuver.

Quant aux vertus de cet homme parfait, elles sont innombrables.

Il était pudique, humble, accessible, rendant visite aux malades, répondant aux questions de tous, même de ceux qui étaient tout en bas de l’échelle sociale. Il prenait le temps de discuter avec les gens. Il était indulgent, pardonneur et cherchait toujours à faciliter les choses, lorsque cela était permis.

Dans son attitude, il était loin de toute ostentation et de tout excès. Il ne se mêlait que de ce qui le regardait. Il n’insultait ni ne déshonorait jamais personne. Sa générosité était telle qu’il ne refusait jamais quand on lui demandait quelque chose.

Et tout cela n’est qu’un minuscule échantillon de sa personnalité.

En d’autres termes, la connaissance et la vertu, ces deux piliers du chemin qui mène au bonheur, il les incarnait.

Pour finir, tout en répondant à la question posée à Lenina dans le passage cité : oui, je veux être libre d’une manière qui me soit propre, pas à la manière de tous les autres. Ma liberté et mon bonheur consistent à suivre mon guide du mieux que je peux, à affranchir mon esprit des carcans qui emprisonnent ce dernier.

Le périple n’est pas de tout repos, je l’admets. Sur ce chemin, je trébuche, et même souvent. Mais je me relève et, sourire aux lèvres, je reprends ma route, parce que je suis convaincu, non, parce que je sais qu’elle mène au bonheur.

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