
Il y a quelques jours, nous avons débattu sur le problème du monde du livre islamique et cela a généré beaucoup de réactions , que ce soit du côté de certaines maisons d’édition ou du côté des lecteurs eux-mêmes. Parmi ces derniers, une jeune lectrice m’a contacté afin d’évoquer en détails le sujet. Le texte complet de son courriel est disponible sur mon compte Instagram (juste ici). Dans cet article, je m’attèlerai inshaAllah à lui répondre de la manière la plus précise possible.
Plusieurs points sont à noter dans ton courriel et je me permets de les relever afin de mieux y répondre par la suite.
Tu mets en avant le manque d’organisation générale des efforts concernant le domaine de la lecture dans la oumma. Ainsi, tu indiques que selon toi, contrairement aux idées reçues, la jeune oumma lit mais les initiatives personnelles sont éparpillées et manquent de coordination. Tu soulignes également un fait qui m’a beaucoup touché : tu as l’impression que les acteurs principaux de la oumma ont laissé les jeunes lecteurs à leur propre sort. Ces derniers sont donc perdus devant l’immensité et la diversité de ce qui peut être trouvé dans le commerce. Tu veux que les choses changent réellement, profondément, et si j’en crois tous les retours que j’ai eus sur mes réseaux sociaux, tu es loin d’être la seule.
Concernant le manque de coordination des initiatives, ou le manque d’une initiative qui réunirait tout le monde afin de mieux guider, orienter, aider les jeunes lecteurs, tu as tout à fait raison. Cependant, il faut être réaliste, les choses ne changeront pas du jour au lendemain et à l’heure actuelle, il est utopique de penser que toute la oumma française se réunira autour d’un projet aussi ambitieux sans se déchirer. Je pense que, malheureusement, on ne pourrait éviter la volonté de certains de vouloir censurer les livres d’une autre tendance (et je ne vise aucune tendance en particulier, je pense que c’est propre à chaque groupe de vouloir occulter le patrimoine des autres). La oumma est-elle réellement prête à dépasser toutes les divergences qui pullulent en son sein pour permettre que tel livre, de telle tendance opposée soit répertoriée dans ce Babelio islamique ? (Même si je sais bien que ce n’était qu’un exemple de ta part).
Est-ce pour autant que nous devons baisser les bras et renoncer à toute initiative « dans la vraie vie » ? Bien sûr que non. Que faire, dans ce cas ?
La clé est sans doute dans ce que disait l’une des personnes avec qui j’ai pu discuter de ce problème : penser global et agir local. Il est donc essentiel pour moi de concentrer d’abord nos initiatives au niveau local, tout en pensant l’organisation de ces initiatives de manière globale. Et voilà à quoi j’ai pensé. Tout le monde connaît TEDx, ces conférences qui sont organisées dans des villes à travers le monde. Elles sont organisées en conformité avec la méthode TED, mais sont des initiatives qui émanent de communautés locales. Il s’agirait pour nous de penser à une initiative en particulier, avec un mode de mise en place particulier, et d’en faire un open source que chacun pourrait utiliser pour son initiative locale. Si nous voulons que l’effet de centralisation soit plus présent, rien ne nous empêche de mettre en place une plateforme sous forme de site avec le détail du mode de mise en place de l’initiative ainsi qu’un moyen d’échanger avec les gens qui sont à l’initiative dans d’autres villes afin d’échanger des conseils, etc.
Quelle sorte de projets ? Il faudrait y réfléchir et dans le domaine de la lecture, tout est à créer ou presque, donc ça nous laisse le champ libre. J’estime en revanche qu’il est nécessaire qu’il s’agisse d’une initiative dans la vie réelle. Bien qu’une présence sur les réseaux sociaux soit importante, si nous n’agissons pas également au quotidien, c’est peine perdue. Si je reprends donc mon idée précédente, nous pourrions mettre en place des conférences-débats basées sur un livre avec un auteur aux manettes, ou plus simplement un cercle de lecture. Ce genre d’initiatives se prêtent tout à fait à ce genre de raisonnement « penser global et agir local » puisque le mode de fonctionnement sera identique ou presque dans toutes les villes.
Passons maintenant à la triste remarque que tu as faite, à savoir que les acteurs de la oumma ont abandonné la jeunesse qui lit. Je vois ton courriel et cette remarque comme une bouteille à la mer et un appel à l’aide fait au nom de beaucoup de jeunes qui comme toi reviennent à la lecture. Et tout le monde aura à rendre des comptes par rapport à cela, mais encore plus les gens qui ont une responsabilité dans la oumma. On dit souvent que la jeunesse musulmane ne lit pas. Or, il y a une jeunesse musulmane qui lit ou qui revient à la lecture mais elle se sent abandonnée ou complètement perdue et personne ne vient à son aide.
Restons cependant lucide. S’il est évident que tu représentes un mouvement qui grandit de plus en plus, cette jeunesse assoiffée de savoir et de lecture qui ne demande qu’à ce que les choses changent, il faut admettre qu’un autre groupe de personnes existe : cette oumma qui ne lit pas ou peu, et des choses superficielles. Il ne faut négliger aucun des deux groupes. Et c’est pour cela que la promotion de la lecture dans la oumma doit se faire sur deux fronts. Nous devons nous adresser à cette jeunesse qui a soif de lecture ou qui commence à avoir le goût de celle-ci afin d’étancher cette soif, mais également à cette jeunesse qui n’a pas encore soif. Et comme je l’ai dit, cela passe par des actions sur Internet, les réseaux sociaux en premier lieu. Je m’étonne toujours de ces gens qui disent s’adresser aux jeunes mais qui ne sont ni sur Instagram, ni sur Twitter, ni sur Snapchat. Il faut chercher son public là où il est, et les jeunes, en 2019, sont sur les réseaux sociaux, Instagram et Snapchat en tête. Une fois les jeunes sensibilisés sur les réseaux sociaux, il convient alors de passer à des initiatives dans la vie réelle afin de transformer réellement et profondément la oumma française.
Ce ne sont là que mes réflexions personnelles et je suis très conscient que les choses ne changeront pas du jour au lendemain, mais il est clair que la jeunesse nous attend de pied ferme et si nous n’agissons pas, nous louperons le train et d’autres seront là pour les guider vers des choses bien plus noires.
En espérant que ma réponse aura amené des pistes de réflexion,
Fraternellement,
Le lecteur illettré.
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